La Cantatrice chauve

(1950)

de Eugène Ionesco (1909-1994)

Au départ, je voyais pour La Cantatrice chauve une mise en scène plus burlesque, plus violente ; un peu dans le style des Marx Brothers, ce qui aurait permis une sorte d'éclatement.
Actuellement, La Cantatrice chauve se termine, en fait, sur la querelle des Smith et des Martin. On baisse le rideau à ce moment, puis on fait semblant de recommencer la pièce : on relève le rideau, les comédiens jouent le début de la première scène et le rideau tombe pour de bon.
J'avais envisagé une fin plus foudroyante. Ou même deux, au choix des acteurs.
Pendant la querelle des Smith et des Martin, la bonne devait faire de nouveau son apparition et annoncer que le dîner était prêt : tout mouvement devait s'arrêter, les deux couples devaient quitter le plateau. une fois la scène vide, deux ou trois compères devaient siffler, chahuter, protester, envahir le plateau. Cela devait amener l'arrivée du directeur du théâtre suivi du commissaire, des gendarmes : ceux-ci devaient fusiller les spectateurs révoltés, pour le bon exemple ; puis, tandis que le directeur et le commissaire se félicitaient réciproquement de la bonne leçon qu'ils avaient pu donner, les gendarmes sur le devant de la scène, menaçants, fusil en main, devaient ordonner au public d'évacuer la salle.
Je m'étais bien rendu compte que la réalisation d'un tel jeu était assez compliquée. Cela aurait demandé un certain courage et sept à huit comédiens de plus - pour trois minutes supplémentaires - trop de frais. aussi avais-je écrit une seconde fin, plus facile à faire... Au moment de la querelle des Martin-Smith la bonne arrivait et annonçait, d'une voix forte : "Voici l'auteur !"
Les acteurs s'écartaient alors respectueusement, s'alignaient à droite et à gauche du plateau, applaudissaient l'auteur qui, à pas vifs, s'avançait devant le public, puis, montrant le poing aux spectateurs, s'écriait : "Bande de coquins, j'aurai vos peaux." Et le rideau devait tomber très vite.

 

La Cantatrice chauve, montée par Jean-Luc Lagarce en 2007

Ionesco Suite, par La Comédie de Reims

 
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